Résumé
Mercredi 23 mars 2016 Jacqueline FELDMANN - « La mathématique sociale et révolutionnaire
du marquis de Condorcet » à 14h à l'institut Henri poincaré
Condorcet a longtemps été surtout célébré pour ses
interventions en faveur de l'instruction publique pendant la
Révolution de 1789, comme en témoigne le nombre élevé de lycées
qui portent son nom ; il est aussi souvent cité pour sa démonstration
du "progrès indéfini" de l'espèce humaine, qui apparaît à beaucoup
naïve et démentie par les faits (et qu'il rédige, rappelons-le, alors
même que, proscrit par la Terreur, il se cache, peu avant de mourir
en prison à Bourg-la-Reine, devenue Bourg-Egalité).
Le dernier des encyclopédistes, le seul parmi eux à vivre la
Révolution, ce « géomètre » passionné par le « bien public » pense
que la Raison, qui a si bien réussi dans les sciences de la nature, doit
à présent servir aussi les « sciences morales », dont le but est le
bonheur de l'homme. C'est pourquoi, dès le début de la Révolution, il
propose et pense une science nouvelle, la "mathématique sociale".
Le 19ème siècle, qui s'enthousiasme pour les réussites
extraordinaires de la Physique et tient à une séparation nette entre
Lettres et Sciences – qui n'existait pas du temps des "Philosophes" -
ignorera, voire, raillera, ses travaux mathématiques. Et ses archives
seront divisées, parfois mêmes déchirées, entre les deux académies.
Depuis une cinquantaine d'années, alors que l'on assiste à la
colonisation par les mathématiques de plus en plus de territoires des
sciences humaines et sociales, Condorcet fait l'objet d'une
reconnaissance académique nouvelle, en tant que précurseur de
nombre de sciences qui se sont développées après la 2ème guerre
mondiale. Tout particulièrement, l'étude mathématique des choix
collectifs et de ses paradoxes, présentée par Condorcet à l'aube de la
démocratie, a fait l'objet de travaux chez les économistes, conduisant
à deux "prix Nobel" (Arrow, 1972, Sen, 1998). Moins connue,
l'importance qu'il accorde à « l'art de faire des tableaux » et à la
création d'une langue universelle, qui permettraient à tous de
participer à la connaissance scientifique, un souci majeur pour lui.
L'article que je vais exposer a voulu retrouver, alors que les
sources complètes venaient seulement d'être disponibles, l'évolution
de ses idées, et mettre en avant, contre des stéréotypes faciles,
quelques nuances de sa pensée.
FELDMAN J. Condorcet et la mathématique sociale :
enthousiasmes et bémols, Mathématiques et Sciences humaines,
2005, 172, 2005(4), pp. 7-41
BIBLIOGRAPHIE
CONDORCET : Esquisse d’un tableau historique des progrès
de l’esprit humain 1795
CONDORCET: Tableau historique des progrès de l'esprit humain,
Projets, Esquisse, Fragments et Notes (1772-1794), groupe
Condorcet (ed.), INED, 2004.
BADINTER E. et R. : Condorcet (1743-1794), Un intellectuel en
politique, Fayard, 1988.
FELDMAN J. : «Esprit de géometrie, esprit de finesse : vers une
troisième culture ?» Recherche en Soins Infirmiers 79,
L'interdisciplinarite, ARSI, 2004, p. 31-43.
FELDMAN J. (Dir.) : L'idée de science au 19 ème siècle, Huit soirées
de lecture à la Bibliothèque des Amis de l'instruction du 3 ème
arrondissement, Paris, L'Harmattan, 2006
KINTZLER C. : Condorcet, l’instruction publique et la naissance du
citoyen, Paris, Folio-Essais, 1987 .
LES MESSACHES (Coll.) : Mathématiques et sciences humaines :
des années soixante aux années quatre-vingts, La vie des sciences ,
1989, 6, 1 e partie, n° 1, p. 59-76 ; 2e partie, n° 2, p. 139-165.