Résumé
Le nombre fut au cœur des recherches des mathématiques allemandes pendant tout le 19ème siècle. Je propose de reprendre l'évolution de cette notion à partir de textes de Gauss, Jacobi, Kummer, Dedekind, Cantor et Hilbert pour montrer à quel point il fut considéré par les mathématiciens allemands non seulement comme un concept, mais comme quelque chose de "supérieur", une idée, inséparable de l'idée de liberté.
C'est dans ce contexte qu'il faut resituer l'assertion aujourd'hui étrange, souvent considérée comme saugrenue, de Dedekind, voyant dans le nombre "une création libre de l'esprit humain". Mais la culture qui a nourri les mathématiciens allemands cités plus haut, et qui permit à Jacobi d'opposer "l'honneur de l'esprit humain" à l'utilitarisme de Fourier, n'existe plus. Elle fut, notamment après la guerre de 1870, combattue par l'avènement de "l'esprit allemand", jusqu'à ce qu'elle soit anéantie par les Nazis, ainsi que l'un de ses plus beaux fleurons, l'Institut mathématique de Göttingen.